Ce mercredi, le Tennis Club de Lyon a accueilli Marc Vaucoret, joueur de para-tennis. Pour lui, le sport est un moyen de dépasser le handicap. Rencontre.
Marc, parle-nous de toi…
J’ai 40 ans, j’ai eu un accident en 2015 et je me suis retrouvé en fauteuil. Après cela, pendant longtemps, j’ai cherché quel sport je pouvais faire. J’avais entendu parler du tennis-fauteuil une première fois, mais je ne voulais pas me lancer tout seul. Je voulais pouvoir commencer avec quelqu’un à mes côtés pour être accompagné et avoir un partenaire d’entraînement. A l’époque, je ne me voyais pas jouer avec des valides. Et puis, à côté de chez moi, il y a le club de Miribel, dans l’Ain, et je me suis dit que c’était peut-être l’occasion de démarrer. J’avais un ami qui était partant aussi… On a accroché. Mais, au final, je me suis inscrit et mon collègue ne m’a jamais rejoint (rires). Donc je me suis retrouvé tout seul, mais je suis très, très content. Je joue même avec des valides et mon entraîneur se met parfois en fauteuil avec celui du club. Ça va bientôt faire un an que je me suis lancé dedans, et je suis 110ème Français. Mon objectif est d’être Top 20 d’ici cinq ans !
Après ton accident, tu as réussi à t’accrocher ?
Oui, j’ai réussi à ne pas sombrer. J’ai eu deux mois où je suis resté allongé sans rien faire, mais, très vite, je suis revenu en forme. J’avais deux filles en très bas âge, je voulais qu’elles voient leur papa avancer et se relever.
Du coup, tu fais quelque chose à côté du tennis ?
Je travaille chez SAMSON, une entreprise qui réalise des vannes industrielles. Après mon accident, je me suis totalement reconverti, car j’étais dans l’immobilier. Je suis même retourné à l’école pour réaliser un BTS et une licence pro en dessin industriel.
“Avec le revers on trouve des angles que mêmes les valides ne trouvent pas”
Comment ça se passe, le tennis en fauteuil ?
Raquette dans une main, on la tient toujours, contrairement à ce que pensent les valides… On ne la pose pas sur les genoux pour se déplacer plus rapidement avec les deux mains. Il faut apprendre à tenir la main courante et la raquette en même temps. Et puis, on garde toujours une prise coup droit, le revers se fait donc avec une prise coup droit aussi. C’est une vraie particularité par rapport au tennis des valides.
Le revers est forcément un coup faible ?
Non, loin de là ! On peut faire de vrais coups d’attaque et je veux, d’ailleurs, en faire un coup d’attaque dans mon jeu. Avec le revers, on trouve des angles que même les valides ne trouvent pas. On peut prendre la balle très haut et faire mal à son adversaire.
C’est facile de trouver un club ?
Non, c’est difficile, il faut en trouver un avec des fauteuils, et on ne sait pas trop où chercher. On a parfois du mal à avoir des réponses, même lorsqu’on interroge la Ligue Handisport !
C’est toi qui dois acheter ton fauteuil ?
Oui, c’est nous qui finançons nos fauteuils. Pour ma part, j’ai encore un fauteuil réglable, qui n’est absolument pas idéal pour le tennis. C’est vrai qu’il est bien au départ pour trouver sa position, mais rien que ça, ça vaut déjà 4 000€. Un peu plus tard, on passe sur des fauteuils tout soudés et, là, on monte à 7 000€-10 000€ selon les modèles.
Comment est structuré le para-tennis ? Il y a des catégories différentes ?
Il n’y en a qu’une seule en plus de la nôtre, ce sont les Quads, qui ont les quatre membres touchés. Un joueur qui est touché au niveau des abdos, arrivé à un certain niveau, il ne peut plus gagner. C’est cela qui est un peu dommage. En fonction de ton handicap, certains sont “plus” avantagés que d’autres. On manque donc d’un vrai cadre plus précis. Parfois, des mecs sont en mesure d’aller chercher des balles que d’autres n’ont même pas la possibilité de renvoyer à cause de l’amputation d’un membre. Quand tu joue 20 centimètres plus haut que d’autres, tu es forcément avantagé ! Sans parler des problèmes neuromoteurs que l’on peut avoir. C’est aussi la raison pour laquelle le Comité Olympique râle sur ce sport depuis des années, sans aucun mouvement. Avec d’autres difficultés qui en découlent : si on fait des catégories intermédiaires en para-tennis, on va se retrouver avec des tournois où il y aura très peu de monde. C’est un peu le problème : il serait préférable de scinder ; mais est-ce qu’on arrivera à avoir des tournois importants ?
“Je voulais qu’elles voient leur papa avancer et se relever”
Les choses n’évoluent pas ?
C’est surtout qu’il y a plusieurs visions de notre sport qui s’opposent. Par exemple, Stéphane Houdet, lui, veut partir du principe que le tennis-fauteuil n’est pas un sport d’handicapés et que des valides doivent pouvoir y jouer. Mais c’est horrible ! Le mec, il s’entraîne à fond pendant deux ans, il vient à Roland-Garros, joue en fauteuil et gagne ? Si un jour les valides sont autorisés, il faudra réellement mettre en place des catégories, pour un maximum d’équité.
Mais un joueur valide n’est peut-être pas aussi bon en fauteuil ?
Au départ, peut-être pas, oui, mais cela vient très vite avec le fauteuil. Surtout s’il a débuté le tennis gamin. Le niveau est tellement élevé que tu ne peux même pas rivaliser. Moi, je n’ai jamais fait de tennis avant le tennis-fauteuil et je suis encore loin d’atteindre mon meilleur niveau, je pense. Je faisais du sport avant, du volley-ball mais pas de tennis.
Cette équité, elle est d’autant plus importante que le sport est un véritable moyen de dépasser son handicap...
Totalement ! Pour moi, aujourd’hui, le tennis est une véritable échappatoire. Ça me permet de me déplacer, de me fixer de nouveaux objectifs… et de me dire que je ne suis pas complètement fini ! En plus, le tennis-fauteuil est un sport qui peut se jouer longtemps. Je m’y suis mis à 40 ans. Faire du tennis traditionnel à cet âge-là en compétition, c’est beaucoup plus compliqué. En valide, à 40 ans, on s’y met juste pour le plaisir finalement. C’est aussi sympa de retrouver cette communauté para-tennis avec des gens qui s’entraident, qui se donnent des conseils… Il y a un bon esprit, ça fait du bien !
Antoine Rousseau